Ce mardi 3 mars 2020, l'Anacej avec le Forum Français de la Jeunesse, a dévoilé les résultats de l'enquête consacrée au comportement électoral des 18-25 ans aux municipales 2020. Retrouvez le point de vue d'Anne Muxel, Directrice de recherches au CEVIPOF, sur ces résultats...
Le scrutin municipal de l’année 2020 n’attire guère les jeunes. Seul un tiers des 18-25 ans (33%), soit moitié moins que dans l’ensemble de l’électorat, déclare avoir l’intention de participer à l’élection.
Alors même qu’il s’agit d’un acte de proximité, car lié à la vie locale, la désignation du maire n’arrive pas à se défaire de tout un ensemble de paramètres qui rendent le rapport au vote problématique : défiance à l’égard de la politique institutionnelle et rejet des partis de gouvernement, perplexité et incertitude face au choix électoral, éclatement et volatilité des préférences, attirance pour les forces populistes et extrêmes, sans compter la méconnaissance du personnel comme des enjeux avec laquelle il faut compter.
Parmi les raisons avancées par les deux tiers des jeunes pour expliquer leur retrait de la décision électorale, la perception de l’inutilité voire de l’inefficacité du vote municipal arrive en premier. Près d’un jeune sur deux (47%) considère en effet que le vote ne permettrait pas de changer les choses, ni au niveau individuel ni au niveau de la collectivité. Pour un petit tiers (30%) l’expression d’un mécontentement que l’abstention peut faire entendre est aussi une raison de ne pas prendre le chemin des urnes. S’ajoute à cela la méconnaissance de l’offre électorale et des enjeux locaux qui est évoquée par près d’un quart d’entre eux (23%). Enfin, et ce n’est pas rien, le sentiment de ne pas se sentir représenté concerne près d’une jeune sur cinq (19%).
Au vu de ces chiffres, c’est donc bien le constat d’une distance à l’égard de la démocratie représentative qui est une fois de plus confirmée. Les traces de celle-ci sont aussi visibles dans les intentions comme dans les orientations de ceux qui entendent participer au scrutin. La perplexité est de mise : un jeune sur deux ayant l’intention de voter reconnaît pouvoir encore changer d’avis ou de choix (49%). Les préférences énoncées confirment le rejet des partis institutionnels ou de gouvernement qui ne dépassent pas chacun d’entre eux les 6-7% au profit de candidats écologistes (16% pour une liste EELV), appartenant à une liste du RN (10%) ou à une liste citoyenne (12%). La dispersion des intentions de vote est forte, et leur instabilité témoigne de l’incertitude avec laquelle même les plus civiques abordent l’élection. Seul élément stable, la confirmation d’un tropisme critique et d’une norme électorale moins conventionnelle. La prégnance des formes critiques de la citoyenneté électorale est visible au travers de l’importance prise par la reconnaissance du vote blanc et la demande de sa prise en compte dans les suffrages exprimés ou encore de la réponse populiste qui pour un jeune sur deux dans l’étude (49%) apparaît comme un choix politique pouvant se justifier.
Ainsi les jeunes abordent-ils ces élections municipales, entre indifférence et protestation, mais surtout avec une certaine distance que n’arrivent pas à combler l’enjeu de proximité et la dimension locale de la vie politique qui auraient pourtant été susceptibles de les concerner davantage.
Il s’agit là d’un paradoxe de la politisation des jeunes : la proximité des élus et l’action citoyenne directe qu’ils appellent pourtant de leurs vœux sont oblitérées par les tropismes persistants de la défiance démocratique suscitée par la politique et ses représentants au niveau national.
La distance par rapport au jeu politique institutionnel dont témoignent les jeunes, et ce quelle que soit la nature de leurs réponses électorales, apparaît encore plus marquée parmi les jeunes femmes. Elles sont moins inscrites sur les listes électorales (72% contre 80% des jeunes hommes) et ne sont plus qu’un quart à envisager de voter (26% contre 38%). Leur satisfaction quant à la place qui leur est donnée dans la société apparaît aussi plus mitigée (50% se disent satisfaites contre 59% des jeunes hommes). Elles ressentent aussi assez fortement un manque de reconnaissance : seules 33% des jeunes femmes considèrent qu’elles bénéficient d’une bonne image dans la société française (47% des hommes) et seules 23% vis-à-vis du personnel politique (33% des hommes). Est-ce cette perception plutôt négative qui les incite à se monter à la fois plus révoltées et plus résignées que leurs homologues masculins ? Si l’indifférence gagne et si l’esprit de révolte a plutôt globalement tendance à régresser (-25 points par rapport à 2016), ce dernier résiste néanmoins davantage au sein de la population féminine : un quart des jeunes femmes (25% contre 20% des jeunes hommes) exprime un sentiment de révolte. Mais, la résignation de celles-ci apparaît aussi plus importante (32% d’entre elles se sentent résignées contre 25% des jeunes hommes). La confiance et la reconnaissance sont bien des conditions essentielles du lien des jeunes à la politique, y compris dans la dimension locale de celle-ci.
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