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* Le projet "Engagement et proximité" : accord inattendu bienvenu entre les deux chambres *

Dernière mise à jour : 27 janv. 2020

Mise à jour le 19 décembre 2019

C'EST QUOI ?

Le projet relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, présenté par Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, le 17 juillet, traduit l’engagement du chef de l’État qu’il a pris avec les maires lors du Grand débat national qui avait été lancé, en janvier dernier, à Grand Bourgtheroulde. « Avec ce projet de loi, l’ambition est de valoriser la commune et de la remettre au cœur de notre démocratie. Elle a été la grande oubliée des lois sur les territoires des dix dernières années qui ont choisi de célébrer les grands ensembles » peut-on lire dans le compte rendu des ministres du même jour. Pour prolonger « l’esprit de Grand Bourgtheroulde », le gouvernement a multiplié les consultations auprès des associations d’élus et des parlementaires tout en continuant des rencontres de territoires. Cela lui a d’ailleurs valu un satisfecit des associations des maires lorsqu’elles ont pris connaissance du texte même si ces dernières auraient souhaité aller plus loin. Une trentaine de mesures ont pour ambition de « garantir aux maires, qui s’engagent pour leurs concitoyens, de meilleures conditions pour exercer leur mandat ». Il s’agit de donner plus de libertés locales aux élus, de renforcer et reconnaître aux élus de véritables droits. Structuré autour du « parcours de l’élu », le texte facilite les conditions d’exercice des élus avant l’élection, mais aussi pendant et après le mandat. Avec la disparition brutale et très médiatisée du maire de Signes début août, le gouvernement a encore renforcé le texte qui comprend un ensemble de mesures parmi lesquelles :

  • pour « concilier vie personnelle et professionnelle et engagement local » : 10 jours de congés (sans solde) seront accordés aux salariés pour faire campagne aux municipales et les frais de garde des enfants de moins de six ans ou des personnes en situation de handicap seront pris en charge lors des réunions obligatoires pour tous les élus.

  • pour « permettre aux élus de se former dès le premier jour de leur mandat » : tous les primo-élus recevront une formation en début de mandat et les droits à la formation seront activables par tous dès la première année ; la portabilité des droits à la formation sera assurée

  • pour « rétribuer à son juste niveau l’engagement des maires, notamment dans les zones rurales » : l’alignement du plafond d’indemnités (1 670 euros) des maires et de leurs adjoints des communes de moins de 1 000 habitants sur celui de leurs homologues de 1 000 à 3 500 habitants.

  • pour « assurer à l’élu une défense quand sa responsabilité est engagée » : les communes auront l’obligation de contracter une assurance pour une protection juridique du maire pour les litiges qui relèvent de son mandat. Dans les communes rurales, l’État prendra ces frais en charge.

  • pour « remettre le maire au cœur de l’intercommunalité » : l’intercommunalité pourra faire une délégation de signature aux maires pour certaines décisions et un « conseil des maires » pourra être créé pour plus de discussions et de coordination.

  • pour « choisir son intercommunalité, plutôt que la subir » : une intercommunalité pourra se scinder en deux dans le respect des seuils, une commune pourra plus facilement changer d’intercommunalité.

  • pour « sécuriser le maire dans ses décisions face à la complexité des normes » : l’élu pourra demander l’avis du préfet en amont sur la faisabilité juridique d’un projet.

  • pour « mettre de la souplesse dans la répartition des compétences entre commune et intercommunalité » : l’intercommunalité pourra notamment déléguer à la commune les compétences « eau et assainissement » et le maire bénéficiera d’un droit d’initiative pour procéder à une modification du PLUI ; les communes classées station de tourisme récupéreront leur office du tourisme.

  • pour « donner les moyens au maire de faire respecter ses décisions » : les pouvoirs de police du maire sont renforcés et lui permettront notamment de faire appliquer des décisions dans une catégorie de cas qui gênent le quotidien.

  • pour « rénover le patrimoine local en péril dans les petites communes » : il sera possible de déroger aux 20 % de financement obligatoire par la commune.

  • pour « renforcer la solidarité entre les territoires en cas de catastrophe naturelle » : le département pourra venir directement en aide aux entreprises sinistrées.

  • pour « alléger les procédures pour les commandes publiques en relevant les seuils des marchés publics » : le gouvernement souhaiterait remonter de 25 000 à 40 000 euros le seuil de déclenchement d'une procédure de marché public.

Ce 11 décembre, députés et sénateurs se sont mis d’accord ! Et pourtant, jusqu’à la dernière minute, avant que ne soit réunie la Commission mixte paritaire (CMP), tous les signaux étaient au rouge. Avec les déclarations de Gérard Larcher et François Baroin, lors du Congrès des maires ou encore les communiqués de l’AMRF ou de l’AMF à la veille de la CMP, les prévisions étaient plutôt pessimistes, « une occasion manquée » à venir pouvait-on lire çà et là ! Les sujets de discorde se sont envolés après deux heures intenses d’âpres négociations autour de trois sujets principaux : les indemnités des maires et adjoints des petites communes, la place de la commune dans l’intercommunalité et la parité. Sur le volet « indemnités », c’est la proposition des sénateurs qui a été retenue, à savoir une revalorisation automatique par seuil : +50 % pour les maires et adjoints des communes de moins de 500 habitants (soit 991 euros bruts contre 661 euros bruts aujourd'hui), +30 % dans les communes de 500 à 999 habitants (soit 1 566 euros au lieu de 1 205 euros), et aussi +20 % dans les communes de 1.000 à 3.499 habitants (soit 2 006 euros contre 1 672 euros). Pour la sénatrice Françoise Gastel, la proposition du gouvernement de devoir demander au conseil municipal son augmentation s'apparentait à « un cadeau empoisonné » pour les édiles. Sur le chapitre « eau et assainissement », les sénateurs demandaient purement et simplement la suppression du transfert obligatoire au 1er janvier 2020 (ou 2026 pour les communautés de communes). Ils ne l’ont pas obtenue mais les conditions de subdélégation ont été assouplies. C’est sur le volet des compétences dites optionnelles, que le gouvernement a lâché du lest, en acceptant de les supprimer. Du côté de la parité, les avancées ont été renvoyées aux calandes grecques… ! On se souvient que l’Assemblée avait introduit les listes paritaires dès 500 habitants contre 1.000 aujourd’hui ce dont ne voulait pas le Sénat au motif de la diversité politique. Quant aux députés, ils n’ont pas voulu non plus que la proportion de femmes au sein des exécutifs des intercommunalités soit au moins équivalente à leur proportion au sein de l'assemblée communautaire. Il faudra attendre 2021, où un texte sera discuté « pour renforcer l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ». Encore des discussions à venir pour une mise en application en 2026…

Quant à « l’intercommunalité à la carte » voulue par le Sénat, le gouvernement est resté sur ses positions mais s’est engagé « à travailler sur le sujet dans la perspective du projet de loi 3 D » a précisé Bruno Questel, rapporteur du texte à l’Assemblée. Des auditions menées par la commission des lois de l’Assemblée nationale sont d’ailleurs déjà en cours. Le texte qui portera sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation sera discuté après les municipales. En attendant, le texte « Engagement et Proximité » contient des mesures bienvenues qui, selon les propos de Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat, « renforcent les communes, donnent plus de souplesse à notre organisation territoriale, et améliorent les garanties apportées aux élus locaux ».


Où en sommes-nous ?
  • le 11 décembre, la commission mixte paritaire parvient à un accord

  • les 18 et 19 décembre, les deux chambres ont adopté successivement le texte de compromis

  • le 26 novembre, l’APVF regrette « une occasion manquée ». Elle « déplore que les parlementaires n’aient pas saisi l’occasion de moderniser les conditions d’exercice des fonctions de maire et d’adjoints dans les petites villes ». Toutefois, elle « se félicite de la création d’une conférence des maires dans tous les EPCI et de l’absence de révision obligatoire des Schémas départementaux de coopération intercommunale, mais considère que les enjeux financiers d’un transfert des compétences Eau et Assainissement sont trop importants et les situations locales trop diverses pour que ce transfert soit décidé unilatéralement par la loi ». https://bit.ly/2M1syrT

  • le 10 décembre, l’AMF, à la veille de la CMP, si elle salue les avancées du texte sur les conditions d’exercice des mandats locaux ou encore sur le renforcement du pouvoir du maire, elle martèle ses exigences pour que le texte ne soit pas « un rendez-vous manqué ». https://bit.ly/2PpecDM

  • le 10 décembre, Vanik Berberian, président de l’AMRF, déclare qu’« une chose est certaine, la guerre des tranchées a bien eu lieu ! Évacuons d’emblée avec les eaux usées, l’idée qu’au fond de la tranchée se dressent face à face, d’un côté les fervents défenseurs de l’intérêt général incarné par le service public et de l’autre, ceux qui espèrent que derrière ce transfert obligatoire à l’intercommunalité, la porte sera plus grande ouverte aux actionnaires des compagnies fermières ». « Mais n’ouvrons pas la boîte de Pandore. Cette loi NOTRe restera définitivement l’erreur majeure de la décennie et ceux qui se refusent à la corriger aujourd’hui, s’en rendent malheureusement complices ». https://bit.ly/2YSSf2V

  • le 11 décembre, Sébastien Lecornu, sur Twitter : « CMP conclusive sur le PJL #Engagement et Proximité ! Traduction des 96h d’échanges entre @EmmanuelMacron et les maires lors du Grand Débat, il répond aux attentes des élus locaux et confirme la volonté d'@EPhilippePM de mettre les territoires au cœur de l’acte 2 du quinquennat ».

  • le 12 décembre, Philippe Bas (LR), président de la commission des lois du Sénat, se félicite de l’accord obtenu entre les deux chambres. « Le projet du Gouvernement était inspiré de bonnes intentions, mais il manquait d’ambition et se contentait trop souvent de demi-mesures. Si le texte adopté est en retrait sur certaines propositions adoptées par le Sénat, sa philosophie générale s’inscrit pleinement dans ses travaux et retient plusieurs dispositions importantes votées par le Sénat qui renforcent les communes, donnent plus de souplesse à notre organisation territoriale, et améliorent les garanties apportées aux élus locaux ». https://bit.ly/2qSScYi

  • le 12 décembre, Françoise Gatel (UDI), rapporteur du texte au Sénat, se dit « particulièrement heureuse que le Parlement, dans un grand esprit de responsabilité, ait pu se mettre d’accord sur un texte qui exprime de la confiance vis-à-vis des élus locaux ». Elle y voit « un peu de l’esprit de confiance qui a animé l’adoption de certaines lois récentes, comme celles sur les communes nouvelles, à rebours de l’esprit dogmatique et contraignant des dernières lois territoriales ». « Nous avons malgré tout commencé à desserrer l’étau de la loi NOTRe. C’est un pas de confiance envers les élus locaux. Maintenant, on attend beaucoup du texte 3D ». https://bit.ly/2POv85E

  • le 12 décembre, Mathieu Darnaud (LR), rapporteur du texte au Sénat, ne s’attendait « franchement » pas à « ce que le Sénat obtienne autant ! ». « Notre volonté farouche, explique-t-t-il, ce n’est en aucun cas de combattre l’intercommunalité – au contraire : c’est d’affirmer que dans tous les cas, la porte d’entrée de l’intercommunalité reste la commune ». https://bit.ly/2POv85E



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