Mise à jour le 16 mail 2019
C'EST QUOI ?
Très attendue, la concertation sur la protection de l’enfance a été lancée le 27 mars par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à l’enfance, et par Dominique Bussereau, président de l’ADF. Elle doit permettre d’alimenter la nouvelle stratégie de la protection de l’enfance qui sera présentée courant juillet. Placé, à l’instar du Plan de lutte contre la pauvreté, sous le signe « de la lutte contre les inégalités de destin », le « pacte enfance » s’articule autour de trois piliers : soutien à la parentalité et la prévention, la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants et l'accompagnement des enfants pris en charge au titre de l'ASE. « Tout cela répond à une cohérence forte : mieux prévenir les vulnérabilités des parents, leur permettre de répondre de manière adéquate aux besoins de leurs enfants et promouvoir une mobilisation de chaque instant contre les violences, c’est éviter d’activer, faute d’intervention précoce, les dispositifs de protection de l’enfance » explique Adrien Taquet.
La concertation cible plus particulièrement le troisième volet, l’accompagnement des enfants pris en charge par l’ASE. Six groupes de travail thématiques ont été constitués : sécuriser le parcours de l'enfant, développer les modes d'accueil de type familial, mieux accompagner les enfants en situation de handicap, promouvoir l'ambition scolaire des enfants, diffuser une culture de la transparence et de la qualité des lieux d'accueil et enfin, renforcer le pilotage de la politique publique et la participation des enfants et des familles. Chaque groupe sera constitué d’une quinzaine de personnes dont des jeunes issus de l’ASE et co-présidé chacun par un président de conseil départemental et une personnalité issue du champ de la protection de l’enfance. Après deux réunions en avril et juin, les groupes feront leurs propositions courant juin afin d’enrichir le pacte national de protection de l’enfance qui sera présenté avant l’été. Cette démarche permettra également de recentrer les différentes initiatives menées par la majorité présidentielle, au gouvernement et à l’Assemblée nationale en matière de protection de l’enfance (mission sur l’ASE, proposition Bourguignon sur la sortie des jeunes majeurs issus de l’ASE, plan de lutte contre la pauvreté…).
Fin avril, l’inscription à l’agenda parlementaire de la proposition de loi Bourguignon « visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs » a envoyé un signal fort pour les acteurs de la protection de l’enfance. Ce texte, adopté en juillet dernier en commission des affaires sociales et signé par 140 députés, était très attendu. Il prévoit la généralisation des Contrats jeunes majeurs (CJM) qui sont mis en place par certains départements pour accompagner la sortie des jeunes issus de l’ASE. Pour rappel, seul 1/3 des jeunes majeurs sortant de l’ASE bénéficient du dispositif tandis que 40% des SDF de moins de 25 ans sont des jeunes issus de l’ASE. En juillet dernier, le gouvernement affirmait d’une même voix qu’« aucun jeune majeur ne devait sortir du dispositif de l’aide sociale à l’enfance sans solution ». Cette solution adoptée, par 42 voix pour et 8 voix contre, dans la nuit du 7 mai, n’est pas tout à fait celle attendue ! Modifié in extremis par le gouvernement, le texte de la commission des affaires sociales est arrivé modifié (amendé) dans l’hémicycle au grand dam de certains députés et des acteurs de la protection de l’enfance. Il prévoit, désormais, non pas la généralisation des CJM mais la création d’un nouveau dispositif, le contrat d’accès à l’autonomie pour chaque jeune qui le demande et à la condition d’avoir été placé pendant dix-huit mois consécutifs, dans les deux ans précédant leur majorité. Le texte oblige désormais le Département à « Orienter le jeune vers le ou les dispositifs de droit commun correspondant à ses besoins en termes d’études supérieures, de formation ou d’accès à un dispositif d’accompagnement socio-professionnel ; Garantir l’accès du jeune à un logement ou un hébergement correspondant à ses besoins ; Accompagner le jeune dans ses démarches d’accès aux droits et aux soins ; Assurer, le cas échéant, un accompagnement éducatif ». L’Etat financera les nouveaux contrats à hauteur de 60 millions.
La proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie : https://bit.ly/2LFIt1n nouveau
Dossier de presse « Lancement de la concertation sur la protection de l’enfance - 27 mars 2019 » : https://bit.ly/2YKM2po
« Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance » - Un rapport du Conseil Économique et Social et Environnemental (CESE) de juin 2018 : https://bit.ly/2EnF6bJ
Document de référence - Accompagner les sorties de l'Aide sociale à l'enfance – février 2019 : https://bit.ly/2CPYuuI
Où en sommes-nous ?
le texte sera discuté à la rentrée par les sénateurs
le 6 mai, à la veille de l’examen de la proposition Bourguignon, des personnalités du monde politique et associatif, et d’anciens enfants placés appellent, dans une tribune publiée dans Libération, à soutenir la proposition de loi « attendue par l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance de notre pays ». Ils soutiennent tout particulièrement l’article qui « rend obligatoire pour les départements la contractualisation avec les jeunes majeurs jusqu’à leurs 21 ans ». https://bit.ly/2VOLtfE
le 7 mai, Brigitte Bourguignon, rapporteur du texte, déclare que « Certains qualifieront les dispositions de la présente proposition de loi d’insuffisantes, affirmeront que nous n’allons pas assez loin dans cette prise en charge. Je les entends mais je ne céderai rien, ni à l’immobilisme, ni aux postures politiciennes ». Elle « constitue une réelle avancée sociale en offrant un socle minimal d’accompagnement pour mettre fin aux ruptures de parcours à 18 ans. Elle contribue à ce que la protection de l’enfance devienne un véritable tremplin vers l’autonomie et ne soit plus ce « sécateur à rêves » auquel elle s’assimile trop souvent ». https://bit.ly/2w3h4eN
le 7 mai, Frédéric Bierry, Président la commission affaires sociales et solidarités de l’ADF, estime que «l’intention est louable, mais certainement pas suffisante dans le contexte particulièrement complexe de la protection de l’enfance ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Yannick Favennec Becot (UDRL), ne peut au nom de son groupe, « cacher une forme de déception ». « La proposition initiale était bien plus explicite quant à la systématisation du recours au contrat jeune majeur. Or c’est la première étape en vue de réduire les disparités territoriales en matière d’aide sociale à l’enfance ». Malgré cela, son groupe vote le texte. https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Stéphane Viry (LR) considère que le texte « va dans le bon sens, ne saurait faire l’objet d’une controverse partisane. Ce texte a pour ambition de faire de l’autonomie des jeunes majeurs vulnérable une réussite. Ce public fragile mérite d’être mieux accompagné. En revanche, il sera probablement nécessaire, monsieur le secrétaire d’État – vous l’avez suggéré du bout des lèvres – d’enclencher une démarche plus ambitieuse, visant l’insertion réelle de ces jeunes ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Gisèle Biémouret (PS) dit ne pouvoir « cautionner la réécriture de l’article 1er ». Au nom de son groupe, elle ne peut « accepter la transformation de l’obligation systématique du contrat jeune majeur en une possibilité, subordonnée à la demande du jeune. Le fait que l’obtention du contrat soit subordonnée à un placement effectif de dix-huit mois avant l’âge de 18 ans est également, pour nous, inacceptable. Cette condition est discriminante, exclut les mineurs non accompagnés et manque à lutter contre la traite des êtres humains ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Mathilde Panot (LFI) appelle à ne pas voter pour le texte : « Vous ne l’avez sûrement pas compris, mais cela signifie que le nombre de contrats jeunes majeurs va baisser énormément, et qu’ils sont même susceptibles de disparaître. En effet, le contrat d’accès à l’autonomie sera le seul obligatoire : la prise en charge sera donc beaucoup moins importante – presque low cost – alors qu’au début de l’examen de ce texte, nous étions tous d’accord pour dire à quel point il était urgent d’agir et de se positionner. https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, condamne sur Twitter les changements opérés sur le proposition de loi : « Comment vider de son contenu une mesure de protection universelle des jeunes placés à l’ASE qui risquent la rue à 18 ans. Cynique et sinistre ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance, dénonce un amendement « qui crée une discrimination sans précédent en excluant de fait les mineurs non accompagnés, les victimes de la traite et tous les enfants placés tardivement. On laisse sur le bord du chemin le plus vulnérable parmi les vulnérables ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Léo Mathey, président de Repairs 75, s’inquiète que le texte soit « complètement dénaturé, vidé de sa substance ». « On se demande même si, finalement, cette loi qu’on a tellement soutenue ne va pas faire régresser les droits des enfants placés, en faisant disparaître les contrats jeunes majeurs qui s’avèrent finalement plus protecteurs ». https://bit.ly/2VBDrrg
le 7 mai, Antoine Dullin, rapporteur du rapport de CESE « Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance », se réjouit « que les départements qui avaient mis fin à toute prise en charge aient désormais une obligation d’accompagnement, et aussi qu’un effort financier de l’Etat ait été annoncé ». Mais il se dit inquiet sur la limite d’âge à 21 ans qui « risque d’instaurer un nouveau couperet pour ces jeunes, et l’absence d’allocation de ressources » prévu dans la loi. https://bit.ly/2VBDrrg
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