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Abstention des jeunes : « une vraie faille démocratique désormais bien identifiée… » - C. Braconnier

Ce mardi 3 mars 2020, l'Anacej, en partenariat avec le Forum Français de la Jeunesse, a dévoilé les résultats de l'enquête consacrée au comportement électoral des 18-25 ans aux municipales 2020. Retrouvez le point de vue de Céline Braconnier, directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, co-auteure de La démocratie de l’abstention (Gallimard), sur ces résultats...

Réalisée pour l’Anacej un mois avant le 1er tour des municipales de 2020, l’enquête IFOP auprès d’un échantillon représentatif de 18-25 ans tend à confirmer l’inscription depuis une décennie de cette classe d’âge dans un cycle de faible mobilisation particulièrement marqué aux élections locales. Un tiers des sondés seulement (33%) se déclare ainsi certain de participer au scrutin de mars 2020, ce qui ne laisse pas augurer une participation supérieure à celle enregistrée pour la même catégorie d’âge en 2008 et en 2014, de l’ordre de 42% au 1er tour contre 64 et 66 % en moyenne. Si la hausse de l’abstention demeure, globalement, beaucoup plus contenue aux municipales que pour les autres scrutins hors la présidentielle, ces élections ne parviennent donc pas à susciter l’intérêt des plus jeunes, avec pour conséquence qu’on y enregistre l’un des plus forts différentiels de participation avec les seniors, de l’ordre de 40 points.


L’enquête met en évidence des facteurs connus de l’abstention des jeunes, dont on observe sans surprise que l’indice de participation varie fortement selon le niveau d’études, la situation dans l’emploi, l’intérêt qu’ils portent à la campagne et la perception plus ou moins optimiste qu’ils se font de l’avenir, ces éléments étant d’ailleurs largement cumulatifs.

Si les jeunes ont donc de fortes chances d’être sous-représentés parmi les votants du 15 mars, les plus fragiles le seront encore plus que les plus diplômés et les mieux installés professionnellement. Le fait que les discussions en famille constituent leur première source d’information pour ce scrutin – bien loin devant les réseaux sociaux - manifeste aussi la difficulté, pour les candidats, d’élargir les contours du corps électoral effectif en compensant les inégalités de politisation héritées, qui tendent donc à se reproduire. L’étude ne permet par ailleurs pas d’évaluer l’impact éventuel que pourrait avoir sur le niveau de mobilisation le contexte politique national marqué par l’expression d’un mécontentement suscité par la réforme des retraites et la mise en place du nouveau baccalauréat, qui peut, pour les jeunes comme pour les autres, fonctionner comme une incitation à faire entendre sa voix comme accentuer le scepticisme tenant éloigné des urnes.


Toujours est-il que plusieurs indicateurs d’une forme d’indifférence assumée à l’égard du scrutin affectent jusqu’aux plus prédisposés à participer, notamment les étudiants, en contradiction apparente avec la reconnaissance du vote comme devoir civique, un peu trop largement partagée et en contradiction avec la pratique pour ne pas éveiller le soupçon d’un biais déclaratif. De fait, la hausse de l’intermittence électorale au cours de la dernière décennie et la baisse concomitante du vote constant concernent en tout premier lieu cette catégorie d’âge et objectivent ce rapport de plus en plus distancié aux urnes. Jusques et y compris les plus sensibilisés à la cause environnementale et ceux qui disent souhaiter la victoire de listes écologistes ne sont pas certains d’aller voter, doutant très largement de la capacité des élus à changer la donne. Dans ce contexte, l’étude réalisée pour l’Anacej pourrait inciter notamment les candidats porteurs d’un programme écologiste à redoubler d’efforts dans les jours à venir pour convaincre les plus jeunes de prendre leur part du renouvellement de la civilisation électorale.


Néanmoins, l’enquête montre aussi qu’il est déjà trop tard pour prétendre mobiliser une importante partie d’entre eux. D’une part, 20% des 18-25 ans déclarent ne pas être inscrits sur les listes électorales, ce qui semble cohérent avec les données établies par l’Insee pour 2017 qui montrent que cette catégorie d’âge est, malgré la procédure d’inscription d’office, deux fois moins inscrite que les seniors. D’autre part, 14% déclarent ne pas être inscrits là où ils résident, situation de mal-inscription dont on sait qu’elle multiplie par 3 les chances de ne pas participer au scrutin. Cette proportion de mal-inscrits nous paraît en outre sous-évaluée d’au moins 10 points au regard des données dont on dispose via l’Insee pour 2017 concernant cette catégorie d’âge.


Tout semble en réalité indiquer que c’est presque la moitié des 18-25 ans qui sera, le 15 mars 2020, soit empêchée de voter, soit gênée dans l’exercice de son droit de vote par la distance qui sépare son domicile effectif de son lieu d’inscription.

Un énorme réservoir de voix pour la gauche, notamment du côté des étudiants et des jeunes cadres à la forte mobilité géographique, dont on a bien du mal à comprendre pourquoi il n’a pas été l’objet d’une traque systématique par les candidats avant la clôture des listes le 7 février. Et une vraie faille démocratique désormais bien identifiée, que les pouvoirs publics ne devraient donc plus ignorer.

 
 
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